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La pêche sportive en mer
 
 
Samedi 26 juin
Cette carangue est mon oeuvre, j'en interdis toute diffusion ou publication !

Îlot "Petit Ténia"

Départ de Nouméa vers 07h40, juste après la fin du match qui a vu l'élimination de l'équipe de France en quart de finale du championnat d'Europe des Nations contre la Grèce au terme d'un match affligeant ! Mon épouse me trouve très énervé ; normal, elle a passé le match à m'allumer ! J'arrive chez Hervé à 08h15, c'est à dire avec ¼ d'heure de retard ! Je n'aime pas ça, j'ai encore plus les boules ! Nous partons aussitôt avec les 2 voitures, je charge mon matériel sur le bateau pendant que son épouse achète le pain, ça fait ça de gagner. La mer est superbe, le temps aussi, le trajet jusqu'à l'îlot est expédié en ½ heure grâce au 150 ch, mais nous n'avons rien vu, ni tortue, ni chasse, ni dugong… le grand calme plat. Nous déposons les affaires et la petite famille à Hervé sur l'îlot et nous repartons aussitôt pour prospecter les patates coralliennes qui entourent un récif de sable émergé qu'à marée basse, ce coin nous paraissant fort prometteur depuis qu'un jour à la traîne, avec Éric, nous avions touché simultanément une loche saumonée et une loche bleue.

C'est Hervé qui attrape le premier poisson (à son second lancer), mais comme le bateau poussé par la légère brise s'est trop rapproché du récif, il faut mettre un coup de moteur très rapidement. Il me passe la canne et met en route, mais avec l'augmentation de la tension, le poisson se décroche (il m'a bien semblé que c'était un maquereau chevalier de 2 ou 3 kilos). Je monte sur l'avant du bateau pour ne pas nous géner et au premier lancer, je fais sortir de sous le corail une belle saumonée, un truc entre 3 et 5 kilos, mais elle renonce arrivée à 1 mètre derrière le cormoran. Je relance 20 mètres plus loin pour lui laisser le temps de venir intercepter mon leurre, mais à peine le cormoran a-t-il touché l'eau que la surface explose sous la violente attaque d'une saumonée encore plus grosse ! Mais je ferre dans le vide (de toute façon, dans ce corail, j'aurai été mal !). Ceux qui ont pêché avec moi savent que dans ce genre de circonstances, je ne peux m'empêcher de commenter ce qui ce passe : mes exclamations ont détourné l'attention d'Hervé ! Il cherche à voir la loche, et pan, un poisson en profite pour attaquer son leurre à l'arrêt (un popper du commerce). Malheureusement, le poisson recrache avant qu'Hervé n'est eu le temps de ferrer. Sur le lancer d'après, il a droit à l'attaque - ratée - d'une orphie. Je lance de l'autre côté du bateau vers le large (et non comme les autres fois vers la barrière de corail qui borde le récif de sable) car j'ai repéré dans l'eau turquoise les masses sombres de gros blocs coralliens isolés sur le sable. Le cormoran tombe à 3 mètres du plus éloigné… la (grosse) touche est immédiate ! Mais le poisson se cave aussitôt dans le corail ! Zut ! Hervé me propose d'y aller au moteur, mais je l'ai suffisament emmerdé avec mon retard, je préfère tirer en force… et j'explose les 2 anneaux brisés du cormoran ! Je n'ai jamais ouvert jusqu'à ce jour un anneau brisé de cette taille, et là, j'en ouvre 2 !?!

Je remets un cormoran neuf, un bleu aux yeux rouges (je dis ça, mais la couleur, à mon avis, n'a pratiquement aucune influence sur la pêche dans ce style de leurre) et je retourne de l'autre côté du bateau pour pêcher à nouveau vers le récif car la brise nous a trop éloigné de la zone où je viens de briller. Je lance parallèlement au bord, au-dessus du corail, sûr que dans un coin pareil, la touche est inévitable… mais elle ne vient pas. Je prépare le lancer suivant… mais c'est quoi ce truc devant nous ???

Dans ma tête, je vois défiler les images des grosses carangues que j'ai déjà rencontrées, elles ont le corps en forme de trapèze, pas comme ce poisson où la tête est large, puis le corps presque parallélépipède (avec le recul, je vois le corps d'un brochet gigantesque). L'ignobilis aurait une tête beaucoup plus large et le corps plus "fin" (tout est relatif) ! Et la couleur ne correspond pas non plus ! Ce ne peut pas être un dauphin non plus ! Ce qu'il y a de sûr, c'est que sans nous être concertés, nous sommes déjà entrain de pêcher cet engin ! Autre certitude, il dépasse les 1m50, un sacré bestiau ! Maintenant qu'il a disparu à l'avant du bateau sans avoir manifesté le moindre intérêt pour nos leurres, je le revois en film, accompagné qu'il était par une troupe de petits poissons, avec un joli rémora fixé sur son dos (il est vraiment passé sous nos yeux, sans se presser, tel un seigneur régnant sur ses terres !). Mon lancer était complètement manqué, beaucoup trop sur lui, comme si ce poisson était une carangue dont l'intrusion fugace dans notre "paysage" demandait une réponse ultra rapide pour ne pas être trop tardive ! Mais ce n'était pas une carangue ! Et le voilà parti ! Je relance machinalement parallèlement à la bordure de corail et je recommence à pêcher, la tête pleine d'images… Mais il est là, à même pas 20 mètres du bateau, je le revois ! Il se dirige toujours aussi tranquillement vers le corail sans doute pour y poursuivre l'inspection de son territoire ! Je le vois qui s'arrête et qui commence à lentement se retourner… Petit et rapide raisonnement dans ma tête : il ne peut pas s'intéresser à mon cormoran, il est trop loin et il y a tout juste une poignée de secondes, il n'a manifesté envers lui aucun intérêt ! Je continue mon animation, repensant aux belles saumonées manquées toute à l'heure, sûr qu'il doit y en avoir d'autres dans ces coraux… mais mon œil ne le quitte pas.

Tiens, c'est marrant, son attitude me rappelle le gros barracuda de Port Boisé ! Il s'était arrêté de la même façon, avait lentement tourné vers la trajectoire de mon leurre de la même façon puis avait commencé ce qui ressemblait à une timide approche… que des lutjans avaient interrompu brutalement en venant l'agresser ! Là, mes pensées se sont arrêtées ! Il n'était plus à l'endroit où je le voyais, il avait disparu, comme à la sortie d'un rêve lorsque la réalité prend le dessus ! Sauf que la réalité, ici, elle est toute simple : il attaque le leurre, mon leurre, mon cormoran !!! Il venait de se taper un sprint de 5 mètres dont je n'avais rien aperçu et s'en était saisi sans la moindre hésitation ! Avant que je n'ai réalisé quoique ce soit, il était déjà reparti dans l'autre sens à la même vitesse, se ferrant tout seul, et le voilà pendu ! Au bout de ma ligne ! Les milli-secondes qui suivirent me laissèrent pantois, une seule obsession parcourant ma tête : "Et maintenant, que dois-je faire ?"

Avant de le forcer à combattre (je suis toujours sur la plage avant), je demande à Hervé de sortir le bateau de la zone et de nous amener dans un secteur moins "risqué". Comme prévu, cette manœuvre fait chanter un peu le moulinet, mais tant que je n'y tire pas dessus, le poisson - toujours non identifié, en tout cas pour moi (et pourtant, ce ne sont pas les indices qui manquaient !) - n'oppose que sa masse et c'est sans problème qu'Hervé nous éloigne d'une trentaine de mètres. Il n'y a plus qu'à ! Je commence à le pomper, paume de la main sur la bobine du moulinet. Sa réaction n'est guère énorme, il continue de se promener ! Mais je réussi quand même à le rapprocher de nous (à moins que ce ne soit le bateau qui se soit rapproché de lui ?). Il continue de remonter vers ma gauche, ce qui ne me plaît pas car c'est là où il y a le plus de gros blocs de corail ! Je demande à Hervé de remettre un nouveau coup de moteur, mais en partant vers la droite, ce qu'il fait avec perfection. Puis une nouvelle marche arrière sur plus de 50 mètres me permet de "travailler" dans d'excellentes conditions ! Je pompe fort, le poisson vient ; très lentement, mais il vient ; ça se présente bien clein d'œil De temps en temps, je m'assois pour prendre appui avec le pied sur la poulie de remontée de l'ancre, mais le plus souvent, je suis debout car la mer est calme et c'est un vrai plaisir de combattre en voyant bien ce que l'on fait. À force de le rapprocher, même lentement, il fini par être suffisament près du bateau pour réaliser qu'il y a peut-être un danger à se laisser remorquer ainsi ! Et j'ai droit à - enfin - un départ ! Mais bien bien timide ! Il me reprend du fil, je ne peux pas le nier, mais vraiment sans aucune comparaison à ce qu'une carangue peut faire ! Par exemple, la dernière bestiole de la Côte Oubliée a failli m'envoyer par 2 fois à l'eau ; là, je ne risque rien ! Il arrive à me sortir une cinquantaine de mètres, pas plus, et j'ai déjà à nouveau la maîtrise du combat. Je pompe, je pompe, je pompe… Il se rapproche, le bateau se rapproche… À ma demande, nouveau coup de moteur d'Hervé, et comme je viens de desserrer un peu le frein, il s'en suit que si nous nous éloignons, lui reste sur place. Pas bien grave, et c'est même mon but : le fatiguer d'assez loin car tant qu'il ne voit pas le bateau, il n'a pas peur, donc c'est beaucoup plus facile ! À ma grande surprise, je récupère assez facilement toute la tresse sortie, je suis même obligé de moins tirer pour ne pas le mettre sous le bateau ! J'arrive à le maintenir à une vingtaine de mètres de nous, Hervé en profite pour faire quelques photos.

Combat avec le barra
Je maintiens la pression, sans plus, pour qu'il ne passe sous le bateau.
Combat avec le barra
Là, c'est plus sérieux, mais je prends quand même la pose devant le photographe, ce qui fait que mon bassin n'est plus parallèle à mes épaules, très mauvais pour forcer, ça !

Je commence à essayer de le monter en surface, il résiste en tirant un peu, mais ce n'est toujours que sa masse qu'il m'oppose, jamais sa puissance. Et pourtant, sur l'attaque, il a été à une vitesse ! Je croise les doigts pour qu'il ne renouvelle pas ce genre de performance !!! Je serais exaucé. La première tentative pour l'amener à la gaffe est un peu trop prématurée, nous nous en sortons avec un passage au ras de l'avant du bateau, je n'ose imaginer ce qui se serait passé si j'avais insisté lourdement !?! La seconde sera la bonne, surtout que son dernier effort l'a épuisé et qu'il est maintenant couché sur le flanc en surface. Hervé, d'un maître coup de gaffe, le prend admirablement sous la machoire à la pointe de la langue, exactement comme il fallait ! La perfection ! Je suis aux anges clein d'œil Fin du suspence, c'est un énorme barracuda ! Mais il est bizarre avec sa forme trop massive ?

Nous n'essayons pas de le rentrer dans le bateau, quelques photos avec sa tête posée sur le bastingage, mais pas trop longtemps car nous tenons tous les deux à le voir repartir vivant, il est tellement beau ! Un petit essai de "pesée" à la gaffe, mais je vois qu'elle le déchire, donc remise à l'eau où il repart sans problème, nous ne l'avons même pas mesuré ! Estimation d'Hervé : plus de 25 kilos car il est plus gros que son plus gros wahoo. Je l'estime pour ma part entre 35 et 40. Et ses dents !!!
Combat avec le barra
Admirez les dents du bas ! Et c'est comme ça tout le tour ! Bien évidement, nous n'y avons pas mis le moindre bout de doigt.
Combat avec le barra
Comparer la taille de mes mains avec sa tête ! Elles n'ont rien de 'bureautique', elles portent au contraire tout le poids de mes racines rurales.

Combat avec le barra
Je suis heureux, mais qui ne le serait pas à cet instant ?

 
Combat avec le barra

Deux choses à voir :
dent_barra
  • La dent, elle fait ses 4 cm facile ! (il en a perdu une de l'autre côté)
gaffe_barra
  • Le crochet de la gaffe ! Planté là, je peux vous garantir que je n'ai jamais vu un poisson saigner et qu'ils sont tous repartis en pleine forme.


 

Combat avec le barra
Une dernière photo et tu seras libre, promis juré.

Mes impressions :

Et en poussant le raisonnement à son paroxysme, je me demande si c'est bien "sportif" de pêcher ainsi ? Par contre, j'avoue avoir éprouvé énormément de plaisir car je peux enfin vous montrer des photos d'un des énormes poissons que j'ai si souvent touchés avec si peu de succés jusqu'à maintenant ! Pour finir, ce poisson ne m'a pas permis de "tester" ma nouvelle tresse, donc je suis toujours en attente d'un vrai combat pour pouvoir vous dire si la tresse est adpatée ou pas à la pêche sportive sous les tropiques.

Nous reprenons la prospection sans plus attendre. Les lancers se suivent et se ressemblent : c'est vide ! C'est normal, le biotope a changé, nous sommes plus souvent sur des "plages" de sable blanc ou des prairies que sur des fonds coralliens aux nombreuses caches. Nous faisons le tour du récif sans la moindre touche ! Retour au point de départ, Hervé y sort une petite carangue (un triple planté dans le flanc, elle saigne beaucoup => ça craint pour les requins !), puis une belle orphie crocodile… moi, pendant ce temps, je défais une petite perruque dans ma tresse neuve (la bobine est pleine à ras bord, et grâce à la Biafine, c'est ma première et dernière perruque). Sur ce, nous arrêtons et rejoignons la famille d'Hervé sur l'îlot.

Après un repas rapide, je repars seul à la pêche, mais à pied. J'ai l'intention de pêcher "tranquille" le platier, mais la marée haute est très faible et j'accroche rapidement mon cormoran dans le corail (il a une olive de 38 gr en queue, ce qui fait qu'à l'impact, il descend assez profond avant de remonter vers la surface).

Mes nouveaux cormorans
Mes nouveaux cormorans, avec une olive en queue en guise de lest => une vraie réussite, que ce soit le gain de temps à la fabrication ou la qualité de l'animation, sans parler de l'excellente pénétration dans l'air !

Je suis donc obligé de rentrer sur le platier pour le décrocher, et une fois fait, pourquoi ne pas poursuivre, le traverser, et pêcher alors le tombant ? Surtout qu'une chasse vient d'exploser au pied de la bouée fixe et qu'un des prédateurs, emporté par son élan, s'est retrouvé échoué sur la "digue" de corail mort, sa nageoire pectorale, si caractéristique d'une (petite) carangue, brassant l'air le temps qu'une vague vienne l'aider à se sortir de ce mauvais pas ! Je n'aurai pas de touche dans ce secteur, mais je sais que le meilleur, ce n'est pas trop là, mais plus loin à gauche, là où la digue fait un angle et repart vers l'îlot, donc j'y vais d'un pas rapide - tout est relatif lorsqu'on marche de l'eau au genou - tout en prospectant tous les 10 mètres. Une fois arrivé sur le secteur, je suis déçu ! Il y a trop d'eau, je ne peux pas m'approcher suffisamment du tombant pour avoir une petite chance de sortir un beau poisson. Je laisse tomber (après avoir mis un coup quand même, on ne se change pas) et lance vers le large à 10 mètres de là en retournant vers la bouée. À peine le cormoran a-t-il commencé à pêcher que la mer explose à son emplacement, mais je ferre dans le vide ! La seconde attaque est immédiate, et c'est la bonne. Me voici à nouveau en prise avec un gros poisson, je suis obligé de le forcer à repartir vers la droite sinon c'est mission impossible (c'est encore un gros !) avec tout ce corail dès que l'on franchit la pointe. Zut, décroché ! Une fois le cormoran dans ma main, je constate que c'est à nouveau un anneau brisé qui a lâché et non un décrochage ! Bizarre, 3 aujourd'hui alors que je n'avais jamais eu cet incident auparavant !?! Bon, à la décharge de cette anneau, je dois dire que c'était lui qui avait "subi" le combat du barracuda, et que ce coup-ci, j'avais encore "bien forcé" pour obliger le poisson à faire demi-tour. Tans pis...

J'ai bien le sac à dos sur le dos, mais il n'y a rien où le poser pour pouvoir soit mettre un autre triple, soit mettre un nouveau cormoran (ou autre leurre). Je l'ai fait suivre car mon porte leurre de poche est inutilisable, son couverte ayant disparu dans le bateau d'Hervé, dommage. Je suis donc obligé de retraverser tout le platier, et pas la peine de vous faire un dessin : une fois de l'autre côté, on n'a pas trop envi de recommencer tellement c'est long et pénible (marchez avec de l'eau au ventre, un sac à dos dans une main, une canne dans l'autre, vous verez comme c'est physique !). Je rejoins donc Hervé… Il me propose de faire l'autre côté de l'îlot, j'accepte car c'est là que nous nous sommes tant régalés à la mouche sur les carangues, aussi je mets un leurre plus petit. Nous en toucherons bien, un peu trop petites, et elles tapent comme des folles sans vraiment prendre. Quelques aiguilles aussi se manifesteront, mais pas de quoi s'exalter, surtout qu'en définitive, nous n'avons pas eu à décrocher un seul poisson ! Comme le temps se couvre, nous rentrons (il a plu toute la journée de dimanche, et celle de lundi a été noyée sous des murs d'eau entraînant la fermeture des écoles).

 

Dernière modification de cette page : mardi 29 juin 2004 à 07:56